La nouvelle écologie politique
Le niveau de vie moyen de l’humanité a davantage augmenté entre 1990 et 2000 qu’entre l’an 1 de notre ère et 1820. Plusieurs milliards d’individus sont ainsi sortis de la misère ou sont sur le point de s’en extraire. Une nouvelle loi de Malthus semble cependant s’imposer : compte tenu de la fragilité des équilibres environnementaux, nous serions désormais trop nombreux à être trop riches et bien portants. Après 200 000 ans de lutte contre les forces de la nature, l’homme aurait acquis sur elle un tragique ascendants et devrait renoncer au développement économique : devant cette malédiction de la prospérité, des voix nombreuses appellent à l’interruption de la croissance et à la suspension du progrès. Nous croyons au contraire qu’il est possible de poursuivre sur le chemin du développement humain sans sacrifier les écosystèmes terrestres, mais à condition d’élever notre niveau d’exigence démocratique. L’égalité écologique est la clé du développement durable.
La population totale des individus vivant dans de bonnes conditions matérielles aujourd’hui est supérieure à ce qu’était la population totale de la planète il y a deux siècles. Cette « victoire » nourrit pourtant une inquiétude : serions-nous trop nombreux à être trop bien portants et trop riches ? Ne faudrait-il pas réduire la part de chacun dans la consommation des ressources terrestres pour conjurer cette malédiction de la prospérité ?
Dans ces débats, la théorie économique est souvent accusée d’avoir refusé de reconnaître la finitude de la nature. En réalité, la perspective de l’épuisement n’a cessé de l’habiter, de l’épuisement par surpopulation de Malthus à l’épuisement énergétique et jusqu’aux modèles de simulation qui chiffrent désormais l’épuisement généralisé de l’hospitalité terrestre dans « l’ère de l’anthropocène ».
Heureusement, la loi d’entropie n’est pas la seule flèche de temps qui gouverne notre évolution ; il en est une autre : l’augmentation des connaissances. Le temps de l’économie est, pour ces raisons, irréductiblement entropique pour les ressources et historique pour les connaissances. Les perspectives du développement humain tiennent plus que jamais à l’articulation de ces deux processus, ainsi qu’à leur adéquation à un principe de justice dont seule la démocratie peut fournir les clés.
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Jean-Paul Fitoussi et Eloi Laurent , La nouvelle écologie politique. Économie et développement humain, La République des idées / Seuil, 2008, ISBN 978.2.02.097719.7, 11,5 €.